dimanche 18 octobre 2015

Chapitre I : La terre de mes ancêtres

Il fait particulièrement chaud en cette après-midi de décembre, et la sècheresse de l'air ambiant est intenable ! Le vacarme et l'agitation de la rue m'étourdissent, alors que je hèle un des rares taximens qui osent s'aventurer dans les rues sableuses du quartier des parcelles assainies. « Psss, psss », fais-je, comme il est de coutume ici lorsqu’on veut stopper un taxi. Une vieille Toyota jaune et noire s'immobilise devant moi.

« Asalamaleikoum, dis-je pour me présenter à travers la fenêtre passager.
- Maleikoum salam, fo dem ?
- Maay dem ci port bi. Gnata la ?
- 2 000 francs.
- Bare na trop ! 1 000 francs.
- 1 500.
- Baax na, gnu dem. »

Malgré mon vocabulaire limité, la négociation en wolof me permet de faire comprendre au chauffeur que je ne suis pas un simple touriste qu'il pourra arnaquer, malgré mon teint métissé et mon allure qui trahit mon arrivée récente. L'affaire conclue, je m'installe sur la banquette déchiquetée de la voiture. La portière se referme dans un bruit de taule, puis le chauffeur s'élance tant bien que mal au milieu du sable qui envahit les rues. Après une centaine de mètres, le véhicule rejoint le « goudron » et poursuit sa route en direction du port. Dans la voiture, la conversation se poursuit en français.

« Tu prends le ferry ? Me demande le taximan après quelques minutes de silence.
- Oui, je vais en Casamance.
- Cap Skirring ? Quel hôtel as-tu réservé ? Si tu veux j'ai un cousin qui habite là-bas, il pourra te faire visiter la région… »

Ma négociation en wolof ne semble pas avoir totalement convaincu l'homme, qui me prend malgré tout pour un touriste. Je l'interromps : « Je ne viens pas en vacances, j'ai de la famille en Casamance. Je viens rendre visite à mon grand-père. »Ces paroles ont semblé calmer la curiosité de notre conducteur et le silence s'installe de nouveau dans le véhicule. Enfin… un silence tout relatif, au milieu du brouhaha du trafic et des coups de klaxons à tout va.



Nous arrivons au port. Il me dépose près du portail d'accès, d'où j’aperçois déjà la silhouette du ferry, le "Aline Sitoë Diatta", qui remplace le "Joola" depuis son naufrage tragique en 2002. Je règle la course, sors mes bagages de la malle arrière et me dirige vers le hall d'attente.

Durant cette interminable attente, je m'évade dans mes pensées, alimentées par l'impatience de retrouver mon grand-père, cet homme que j'admire tant. Cela fait des années qu'il vit sa paisible retraite dans le village de son enfance, Coubanao. Un haut-parleur annonce le début de l'embarquement, ce qui m'extirpe de mes songes. Je me lève et monte à bord du ferry. Demain matin, après toute une nuit de trajet le long des côtes sénégalaises, le bateau s'engouffrera dans l'embouchure du fleuve Casamance, au milieu des dauphins et des pêcheurs au filet. J'ose à peine imaginer quelle sera mon émotion au moment de fouler de nouveau, après tant d'années, la terre de mes ancêtres…


Les sirènes du bateau retentissent, les moteurs s'emballent, le navire entame son long voyage...

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