Il
fait particulièrement chaud en cette après-midi de décembre, et la
sècheresse de l'air ambiant est intenable ! Le vacarme et
l'agitation de la rue m'étourdissent, alors que je hèle un des
rares taximens qui osent s'aventurer dans les rues sableuses du
quartier des parcelles assainies. « Psss, psss »,
fais-je, comme il est de coutume ici lorsqu’on veut stopper un
taxi. Une vieille Toyota jaune et noire s'immobilise devant moi.
« Asalamaleikoum,
dis-je pour me présenter à travers la fenêtre passager.
-
Maleikoum salam, fo dem ?
-
Maay dem ci port bi. Gnata la ?
-
2 000 francs.
- Bare na trop ! 1 000 francs.
- 1 500.
-
Baax na, gnu dem. »
Malgré mon vocabulaire limité, la
négociation en wolof me permet de faire comprendre au chauffeur que
je ne suis pas un simple touriste qu'il pourra arnaquer, malgré mon
teint métissé et mon allure qui trahit mon arrivée récente.
L'affaire conclue, je m'installe sur la banquette déchiquetée de la
voiture. La portière se referme dans un bruit de taule, puis le
chauffeur s'élance tant bien que mal au milieu du sable qui envahit
les rues. Après une centaine de mètres, le véhicule rejoint le
« goudron » et poursuit sa route en direction du port.
Dans la voiture, la conversation se poursuit en français.
« Tu
prends le ferry ? Me demande le taximan après quelques minutes
de silence.
-
Oui, je vais en Casamance.
-
Cap Skirring ? Quel hôtel as-tu réservé ? Si tu veux
j'ai un cousin qui habite là-bas, il pourra te faire visiter la
région… »
Ma
négociation en wolof ne semble pas avoir totalement convaincu
l'homme, qui me prend malgré tout pour un touriste. Je
l'interromps : « Je ne viens pas en vacances, j'ai de la
famille en Casamance. Je viens rendre visite à mon grand-père. »Ces
paroles ont semblé calmer la curiosité de notre conducteur et le
silence s'installe de nouveau dans le véhicule. Enfin… un silence
tout relatif, au milieu du brouhaha du trafic et des coups de klaxons
à tout va.
Nous
arrivons au port. Il me dépose près du portail d'accès, d'où
j’aperçois déjà la silhouette du ferry, le "Aline Sitoë Diatta", qui remplace le "Joola" depuis son naufrage tragique en 2002.
Je règle la course, sors mes bagages de la malle arrière et me
dirige vers le hall d'attente.
Durant
cette interminable attente, je m'évade dans mes pensées, alimentées
par l'impatience de retrouver mon grand-père, cet homme que j'admire
tant. Cela fait des années qu'il vit sa paisible retraite dans le
village de son enfance, Coubanao. Un haut-parleur annonce le début
de l'embarquement, ce qui m'extirpe de mes songes. Je me lève et
monte à bord du ferry. Demain matin, après toute une nuit de trajet
le long des côtes sénégalaises, le bateau s'engouffrera dans
l'embouchure du fleuve Casamance, au milieu des dauphins et des
pêcheurs au filet. J'ose à peine imaginer quelle sera mon émotion
au moment de fouler de nouveau, après tant d'années, la terre de
mes ancêtres…
Les
sirènes du bateau retentissent, les moteurs s'emballent, le navire
entame son long voyage...
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